JURISPRUDENCE
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Droit de préférence du locataire commerçant

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Droit de préférence du locataire commerçant en cas de vente des locaux loués

La loi dite Pinel du 18 juin 2014 a créé dans le code de commerce un article L.145-46-1 qui dispose :

Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.

  • En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
  • Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

A compter de quelle date le droit de préférence du locataire est-il acquis ?

Ces dispositions s’appliquent à toute cession d’un local intervenant à compter du sixième mois qui suit la promulgation de la loi Pinel, soit pour toute vente conclue postérieurement au 18 décembre 2014.

Elles n’auraient en revanche pas vocation à s’appliquer si ce projet de vente intervenait postérieurement à la date d’effet d’un congé comportant refus de renouvellement signifié par le bailleur.

La Cour d’Appel de Paris a, dans un arrêt du 28 mars 2018, jugé que le bail ayant pris fin par l’effet du congé portant refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction, le preneur avait certes droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction mais que le droit de préemption dont il se prévaut n’étant pas prévu contractuellement et n’ayant plus la qualité d’un locataire titulaire d’un bail en cours mais celle d’un locataire évincé, il ne pouvait se prévaloir du bénéfice du droit de préemption.

Quand doit-être mis en œuvre le droit de préférence du locataire ?

La loi fait désormais obligation au bailleur qui a l’intention de vendre les murs dans lesquels est exploitée une activité commerciale ou artisanale d’en informer son locataire selon les formes prévues au texte et en lui faisant connaître le prix de la vente projetée.

Cette obligation doit être en principe mise en œuvre dès le stade du projet de vente et non pas après la signature d’une promesse de vente au profit d’un tiers.

La mention du prix dans l’offre de vente des locaux commerciaux

Le prix de la vente des locaux commerciaux s’entend sans commission d’agence, la Cour de cassation ayant dans un arrêt du 28 juin 2018 exclu qu’un bailleur puisse notifier à son locataire son intention de vendre à un prix augmenté de la commission ou des honoraires de l’intermédiaire ou de l’agence immobilière.

  • Par ailleurs, si le bailleur baisse le prix de vente des murs faute d’avoir trouvé acquéreur, il doit renouveler la notification prévue à l’article L.145-46-1 précité auprès de son locataire commercial avec le nouveau prix.

La réponse du locataire est enfermée dans un délai court

Le locataire au profit duquel la loi a institué un droit de priorité sur tout autre acquéreur pour acheter, doit faire connaître sa réponse au bailleur dans le mois qui suit la réception de l’offre, la vente devant être réalisée au plus tard dans les deux mois qui suivent l’envoi de sa réponse en cas d’acquisition sans recours à un prêt.

  • Si le locataire a l’intention de recourir à un prêt, il doit le faire savoir au bailleur dans sa réponse, la vente étant alors subordonnée à l’obtention du prêt et le délai pour signer l’acte définitif de vente étant alors porté à quatre mois.
  • Si le locataire ne répond pas dans le mois qui suit l’offre qui lui est faite par le bailleur, il est présumé l’avoir refusée et ne peut s’opposer à la vente ultérieure des murs au profit d’un tiers.

Sa situation locative reste toutefois la même en cas de refus d’acheter ou d’absence de réponse et le bail dont il bénéficie suivra son cours aux mêmes clauses et conditions avec le nouveau propriétaire.

L’article L.145-4-1 est d’ordre public

Les dispositions de l’article L.145-46-1 du code de commerce ont été déclarées d’ordre public par la Cour de cassation dans ce même arrêt du 28 juin 2018 : ce qui veut dire qu’une clause du bail ne saurait valablement écarter le bénéfice du droit de préférence du locataire commercial ou encore stipuler que le preneur renonce d’avance à son droit de préférence.

Une telle clause serait nulle et la nullité pourrait en être demandée par le preneur.

En raison du caractère d’ordre public de cette disposition, l’absence de mention dans le bail du droit de préférence du locataire ne dispense pas le bailleur de notifier son intention de vendre et d’offrir au locataire la possibilité d’acheter les murs en lui précisant le prix et les conditions de la vente projetée.

Mais le droit de préférence n’est pas applicable à toutes les cessions

Il reste à réserver les cas où la loi a expressément exclu le droit de préférence.

Le droit de préférence n’est prévu que dans le cadre d’un bail de locaux à usage commercial ou artisanal ; il est donc exclu pour des locaux à usage industriel.

Il l’est également exclu pour les baux commerciaux portant sur des terrains nus sur lesquels le locataire aurait été autorisé à construire des bâtiments.

Il est aussi écarté par la loi pour un certain type de cessions.

C’est le dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du code de commerce qui les prévoit :

  • cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,
  • cession unique de locaux commerciaux distincts,
  • cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,
  • cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,
  • cession d’un local au conjoint du bailleur ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 3, 28 mars 2018 n°16/13272
Cour de cassation, civ.3 – 28 juin 2018 n° 17-14.605