JURISPRUDENCE
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Clause d’indexation dans les baux commerciaux

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Clause d’indexation réputée non écrite : ce n’était donc pas la fin ?

Nous avions fait le point dans cette rubrique en février 2018 sur la jurisprudence rendue par la Cour de cassation et les juges du fond dans le contentieux des clauses d’indexation du loyer jugées illicites ou réputées non écrites.

Les choses ont encore évolué depuis, le contentieux ne se tarissant pas encore en raison de la présence dans de nombreux baux de clauses d’indexation qui soit contreviennent aux dispositions de l’article L. 112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier parce qu’elles créent une distorsion entre la période de variation de l’indice et la période s’écoulant entre deux révisions, soit sont contraires aux dispositions de l’article L.145-39 du Code de commerce parce qu’en ne jouant qu’à la hausse, elles empêchent la révision du loyer prévue par ce texte.

Pour être prohibée, la distorsion doit être volontaire dans le bail commercial

Par deux arrêts rendus en 2018, la Cour de cassation est ainsi venue préciser que pour être prohibée, la distorsion doit être volontaire.

Dans son premier arrêt (Cass.civ.3, 17 mai 2018 n°17-15146), elle a approuvé une cour d’appel d’avoir retenu que, si le loyer à venir résultant de la révision était fixé à une date différente de celle prévue par la clause d’indexation, celle-ci n’était pas illicite, la révision du loyer ne pouvant elle-même organiser la distorsion prohibée par la loi. Elle invite alors le juge du fond à adapter le jeu de la clause d’échelle mobile ce qu’il pourra faire en fixant une nouvelle date à chaque indexation et un nouvel indice de référence.

Dans le second (Cass.civ.3, 13 septembre 2018 n°17-19.525) qui est un arrêt de cassation, elle se prononce pour la validité de la clause d’indexation appliquée au loyer du bail renouvelé malgré une distorsion résultant du décalage entre la date de renouvellement du bail et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer, énonçant que la distorsion ne résultait pas de la clause d’indexation elle-même.

Mais elle n’est pas systématiquement réputée non écrite dans son entier

Par son arrêt rendu le 14 septembre 2017, la Cour de cassation avait considéré qu’à défaut de divisibilité de la clause prévue par l’article L.112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier, toute la clause devait être réputée non écrite.
Ainsi, le mécanisme d’indexation du loyer était-il neutralisé pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements successifs.
La position de la Cour semble s’infléchir si on en juge par plusieurs arrêts rendus plus récemment.

Par un arrêt rendu le 29 novembre 2018 (n°17-23.058), elle va d’abord juger que seule la stipulation qui crée la distorsion est réputée non écrite en cassant l’arrêt d’appel qui avait réputé non écrite, en son entier, la clause d’indexation qui prévoyait une variation annuelle de l’indice supérieure à la durée écoulée entre la date d’effet du bail et la première indexation.

Il était effectivement fréquent que des baux, signés en cours d’année civile, prévoient une première indexation du loyer dès le 1er janvier qui suivait leur date d’entrée en vigueur, calculée sur la variation de l’indice enregistrée sur une année : la Cour de cassation décide donc que seul le premier ajustement, illicite mais ponctuel, doit être réputé non écrit puisque la règle posée par l’article L.112-1 alinéa 2 serait respectée pour les indexations suivantes.

Elle va confirmer sa position dans un nouvel arrêt de cassation du 6 février 2020 (n°18-24.599) en invalidant de nouveau la décision des juges d’appel qui avaient réputé non écrite dans son entier la clause d’indexation alors que celle-ci n’engendrait la distorsion prohibée que lors de la première révision.

Et pour les clauses d’indexation excluant la baisse des loyers commerciaux ?

Mais il semble que ce revirement puisse bénéficier également aux clauses d’indexation excluant les ajustements du loyer à la baisse.

On a pu évoquer précédemment dans cette rubrique le sort réservé aux clauses d’indexation prévoyant que le loyer serait révisé à la hausse uniquement alors que le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse.

Par un arrêt du 10 septembre 2020 (n°19-17139), la Cour de cassation a entériné l’anéantissement en son entier d’une telle clause en raison du caractère essentiel de l’exclusion de la révision du loyer à la baisse, le bail contenant une stipulation expresse selon laquelle l’application de la clause d’indexation ne devait pas se traduire par une diminution du loyer.

Le contentieux des clauses d’indexation a donc encore de beaux jours devant lui …